De la naissance divine de la Belle Hélène à la colère d'Achille, de la Pomme d'or aux ruses d'Ulysse, du sacrifice d'Iphigénie au leurre du cheval de bois : au- delà de la seule Iliade (qui somme toute ne raconte que trois mois du fameux siège), sept comédiens et un pianiste nous entraînent dans un récit, aussi choral que ludique, pour revisiter l'ensemble des épisodes liés à l'enlèvement de la plus belle femme du monde...
Un récit mené tambour battant avec l'insolence d'une dynamique de troupe, d'un rythme emballé, d'un humour décalé, mais sans en effacer pour autant la poésie épique et tragique.
Un projet en forme de défi
À l’origine, il y a d’abord un défi.
La volonté, bien au-delà de la seule Iliade (souvent adaptée à la scène, mais qui ne raconte en fait que trois mois du fameux siège), de retracer avec énergie l’ensemble des très nombreux récits liés à la Guerre de Troie, de ses lointains prémices à son dénouement. En jouant à jongler d’Homère à Sophocle, en passant par Euripide, Hésiode ou Virgile.
Parce qu’il y a évidemment ce qu’on connaît bien : la Pomme d’or, le choix de Pâris, l’enlèvement d’Hélène, le sacrifice d’Iphigénie, la colère d’Achille, le leurre du cheval de bois...
Mais il y a aussi ce qu’on connaît peu : les circonstances de la naissance d’Hélène, la ruse de Palamède pour piéger Ulysse, le déguisement d’Achille en jeune fille, les jalousies d’Œnone, le destin de Philoctète, la folie d’Ajax...
En 24 tableaux (comme autant de chants dans L’Iliade...), le spectacle tâche d’en proposer un récit choral et, sinon exhaustif, du moins assez complet pour revisiter les moments les plus frappants de cette monumentales fresque mythologique.
Un projet qui vient de loin
Ce projet, sous forme de défi donc, vient de loin.
Mon grand-père maternel, exilé après la première guerre, était Grec.
Je ne l’ai pas connu, mais mon enfance est baignée des mythologies. Ma mère ne racontait pas tant pour m’endormir les histoires de Cendrillon ou du Chat Botté que celles d’Hélène ou d’Orphée.
J’ai bien sûr prolongé la tradition avec mon fils. Et avec mes élèves de Mantes-la-Jolie, quand j’enseignais le latin, auxquels, renonçant aux déclinaisons, je racontais ces fresques en grimpant sur les tables pour escalader les murailles de Troie, ou en balançant la poubelle à l’autre bout de la classe pour repousser un ennemi (j’ai reçu quelques plaintes de parents, mais dans l’ensemble les jeunes ont appris des choses).
Le théâtre était donc déjà là, et l’envie de mettre en scène cette histoire est venue naturellement, avec la volonté d’une énergie de troupe et d’une insolence ludique, sans toutefois perdre l’émotion et la poésie du propos.
Des histoires d'autrefois pour parler d'aujourd'hui
Enfin, le défi consiste aussi à en revenir à ces "histoires d’autrefois" pour parler d’aujourd’hui.
Car il s’agit certes de récits ancestraux, mais comme le dit Sylvain Tesson dans la présentation de son émission sur France Inter Un été avec Homère, le poète grec reste "notre très vieux compagnon d’aujourd’hui" et que "ses vers étaient faits pour rencontrer notre époque".
Et on peut naturellement élargir le propos aux autres auteurs, et aux autres épisodes, de cette épopée.
En effet, confronter le monde actuel (ses guerres, ses démesures, ses manigances, ses déchirements familiaux etc.) aux grands mythes antiques, le jauger à travers eux, c’est sans doute une manière terriblement redoutable de démonter les mécanismes qui y sont encore à l’œuvre, de mettre en question les "mythologies modernes", de les "démystifier", et en même temps de se référer par le théâtre à un épique encore possible.
Un jeu sur la miniature
Le projet s’attache à retracer la "miniature" d’une immense fresque mythologique, tout en tâchant d’en traduire le souffle d’épopée.
Unique scénographie, quelques chaises et une table (qui rappellent par ailleurs l’importance des banquets dans l’histoire) : de cette table naît une ébauche de théâtre d’objets, d’accessoires miniatures, de figurines.
Ce jeu sur l’objet sert ici de support à la narration : la belle Hélène par exemple, n’est jamais "interprétée" mais apparaît, très symboliquement, seulement sous forme de poupée.
Au fil des tableaux, ce monde en miniature s’ouvre sur la scène. Les narrateurs-manipulateurs investissent l’espace et se font acteurs, deviennent en quelque sorte leur propre marionnette.
Un choeur et des figures
Le volontaire caractère purement narratif du texte suppose une approche chorale du jeu – en référence évidente au chœur grec. L’histoire est portée dans une énergie de groupe et de troupe (huit personnes au plateau), et une dynamique d’abord rythmique qui appelle un traitement presque chorégraphique des corps dans l’espace.
Les héros évoqués apparaissent, mais davantage sous forme de silhouettes ou de figures que de "personnages" : cela ne suppose pas une désincarnation ou une quelconque abstraction. Au contraire, l’engagement physique et émotionnel de l’acteur est complet. Il s’agit de maintenir toujours une tension entre incarnation et distanciation (comme le suppose une prise en charge à la troisième personne et jamais à la première).
Costumes et accessoires : un jeu sur les époques
Cet aspect choral débouche presque naturellement sur
une approche du costume à base neutre, sur laquelle viennent se greffer des éléments signifiants et ludiques pour évoquer tel ou tel protagoniste.
Il ne s’agit évidemment pas de montrer un péplum : l’univers des costumes et des accessoires s’amuse à une intemporalité (travail du drapé entre l’antique et le contemporain) ou à une modernisation volontairement anachronique, décalée et souvent burlesque ; les guerriers ont des allures de GI, les revolvers ont remplacé les lances, etc.
La musique, entre hier et aujourd'hui
Dans la Grèce Antique, le poète était toujours accompagné d’un musicien - le plus souvent d’un joueur de lyre. Selon une tradition, c’est Terpandre qui aurait ajouté trois cordes aux quatre de l’instrument d’origine. Et il semblerait que c’est de cette lyre de Terpandre qu’Achille aurait joué pour apaiser son chagrin après s’être vu retirer sa compagne Briséis.
Cette lyre était accordée suivant le mode mixolydien : le thème principal du spectacle est composé suivant ce mode. Mais bien sûr, en écho à la mise en scène, ce mode est décliné de façon contemporaine.
D’abord il sera harmonisé (la Grèce Antique ne connaissait que la musique monophonique), puis tordu pour lui donner des sonorités orientales et balkaniques, ces sonorités que la musique grecque ne tardera pas à adopter mais qui surtout nous emmènent si facilement en voyage et évoquent si fortement ces cultures dont nous sommes issus.
Ensuite, cette musique et ses développements seront joués sur un instrument moderne, le piano, laissant s’exprimer toute l’actualité et l’universalité de ces déchirements tragiques
Un jeu de distorsions : vers une poésie burlesque
Les distorsions entre le petit et le grand (le souffle épique en miniature, la confrontation objets / comédiens), entre l’hier et l’aujourd’hui (la modernisation décalée), entre l’incarnation et la distanciation, donnent une tonalité souvent burlesque au spectacle : distorsion supplémentaire, entre ce burlesque et la dimension tragico-épique de l’original.
Mais une distorsion qui permet une approche festive et ludique d’un monument de notre imaginaire collectif ; et qui permet aussi, somme toute, d’en traduire le caractère excessif, démesuré, outrancier (et donc grotesque au sens propre).
Et quoiqu’il en soit, on sait que comédiens comme spectateurs sont rattrapés par la force de l’histoire, et que l’émotion affleure toujours.
C’est cette tonalité d’une "poésie burlesque" que nous cherchons à toucher du doigt.
Distribution
- texte et mise en scène : Eudes Labrusse
- mise en scène : Jérôme Imard
- jeu : Catherine Bayle
- jeu : Audrey Le Bihan
- jeu : Hoa-Lan Scremin
- jeu : Laurent Joly
- jeu : Nicolas Postillon
- jeu : Loïc Puichevrier
- jeu : Philipp Weissert
- musique de scène (piano) : Christian Roux
- costumes : Cécille Pelletier (et Aurélie Penuizic)
- lumières : Laurent Bonacorsi
Création Théâtre du Mantois. Production Nicri Productions. Coréalisation et accueil en résidence Théâtre 13. Coproduction Les Bords de Scène (Juvisy / Athis-Mons). Avec le soutien de la Spedidam, de la Drac Île-de-France, de l’Adami et de M. Bricolage (Mantes).
Presse
Un spectacle de troupe, généreux et malin (...) inventif, parfois drôle, parfois grave, parfaitement construit. La troupe est homogène, pleine d'énergie et de savoir-faire. Bref, tout pour être heureux.
Le Figaro - J.L. Jeener - mai 2018
Une bonne humeur alerte et un sens du rythme qui rendent ce spectacle tout public très divertissant.
L'Obs - Jacques Nerson - juin 2018
C'est épatant de donner, en moins d'1h30 de spectacle, le sentiment de la durée et celui des relations entre les uns et les autres. La limpidité du texte, qui emprunte les bons raccourcis, y est pour beaucoup. Fabuleux !
Télérama - Joëlle Gayot - juin 2018
Une magnifique épopée avec une parfaite distribution, avec l'humour pour étalon. La troupe du Mantois est fidèle à son credo : faire redécouvrir un classique de façon jubilatoire. Un pari largement gagné !
L'Humanité - Gérald Rossi - mai 2018
24 tableaux rondement menés, dans une astucieuse mise en scène (...) Un régal où le nectar et l'ambroisie coulent autant que les rires fusent. Que peuvent demander de plus les peuples de Sparte et d'Ithaque et les spectateurs de 2018 ?
Froggy's Delight - Philippe Person - mai 2018
La compagnie, sans complexe, étant donnée la matière éruptive du mythe, invite le public à une chevauchée picturale et chorale, la plupart du temps au galop (...) La troupe réussit aussi bien à déclencher le rire que l'émotion, avec un accompagnement musical au taquet ! Un spectacle très vivant et rondement mené...
Le Monde.fr - Théâtre au vent - mai 2018
Un sens de l'humour sans complexe, qui ne tombe jamais dans la facilité. (...) Le principe du récit est respecté, mais les comédiens, tel le chœur antique, parlent avec tant de vivacité, de fantaisie et d'engagement, qu'on entend de vrais dialogues. Un spectacle à hauteur d'enfants qui plaira aux adultes.
Corinne Denailles - Web Theâtre - juin 2018
On s'amuse beaucoup à réécouter ces histoires que l'on connaît si bien. Avec trois bouts de ficelle, la troupe ouvre notre imaginaire et nous fait retrouver avec un plaisir d'enfant ce monde où hommes et Dieux ont la même cruauté.
Micheline Rousselet - La Lettre du SNES - mai 2018
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