Notre Frigo, une farce dramatique, une illusion lyrique et baroque
C’est l’anniversaire de L., un ancien mannequin de- venu écrivain qui fêterait ses 50 ans... Est-ce réellement son anniversaire ? Ou celui de sa mère que L. sublime comme une cérémonie excentrique ? Quoi qu’il en soit, sa mère, en guise de cadeau pour son vrai-faux anniversaire, lui fait livrer un frigo. Oiseau de mauvaise augure dont l’arrivée perturbante pour L. précède le chaos. Les va-et-vient chez elle, l’encombrement du réfrigérateur et la visite de sa mère mettent L. dans tous ses états. Le frigo n’est pas là pour L. mais pour nous. Il est le réceptacle de nos projections de spectateur-voyeur, il est notre espoir, notre mauvais oeil. Enfin il est pour l’auteur-illusionniste, le vecteur du suspens. Avec Le Frigo, comme un défilé, un grand bal de folles, c’est un triple hommage que Copi, arrogant et bouffon, organise. Hommage aux femmes (peut-être même aux mères), au travestissement, au théâtre (et plus spécifiquement aux actrices).
Un « petit garçon » qui voulait faire théâtre de sa vie
L. est comme un pseudo qu'on choisirait pour s'affranchir du prénom donné par la mère, afin de la surpasser elle, de la tuer presque. Le personnage asexué dont il s'agit, se prénomme L. « L » pour Lorenzo ? « L » pour Loretta du Loretta Strong de Copi? Cette seule lettre « L » épurée d'un prénom trop viril peut être ou d'un diminutif trop attendrissant et restrictif à double « t », ramenée à son essentiel , est bien mystérieuse. Ce seul son « L » qu'implique la lettre cherche peut être à dissimuler un homme au profit d'une « elle » bien féminine. La seule, l'unique, la vraie ? Celle que le héros de Copi voudrait incarner ? Poursuivre son idéal, se dépasser, devenir son propre architecte, en imitant les faits et gestes d'un autre, en l’occurrence d'une autre. Revêtir l'image de la mère peut être ? Usurper l'identité de l'autre pour se transcender soi-même. Ce jeu que L. se propose passe par le travestissement. Pas seulement pour être femme parmi les femmes, mais pour être « la femme », que tout le monde envie et convoite. Dans son théâtre imaginaire, où son image se reflète à l'infini sous différents oripeaux, L. semble enfiler les robes de maman et « jouer à ». L. s'invente une vie artificielle, empêchée et contraignante, noyée par les contingences que la vie d'un artiste très sollicité impose. Comme un hommage, elle incarne ou parodie plutôt, une sorte de diva dramatique dont la mère pourrait être le modèle et dont elle emprunte et sublime les travers, damnée et exubérante, loufoque et tragique.
Tête pleine et ventre vide
Un anniversaire atypique, dont ne sait pas grand chose et surtout pas si il est réel... ? Il constitue en tout cas un prétexte idéal. Comme un caprice, L. se permet tous les excès et toutes les absurdités pourvu qu'elle s'amuse. Car c'est bien de ça dont il s'agit, s'amuser à, jouer, avec comme seule arme de transcendance pour lutter contre l'ennui, son imagination.
Qui dit anniversaire, dit cadeau. Celui que sa mère lui fait livrer pour ses 50 ans, un frigo qui trône ou traine sur le plateau et qui fait l'objet de tous les fantasmes. Va-t-il s'ouvrir ? Que fera-t-il apparaître ? Pâle et triste objet de la grande distribution, symbole de la bien trop vulgaire consommation, voué à rassurer les préoccupations toute maternelle de la génitrice auteure du présent. Le frigidaire, glaciale figure hiératique et immaculée peut évoquer bien des choses. Il pourrait être comme un totem, un sarcophage, un mausolée, un placard, un abris, un cachot, un boudoir, une coulisse, une loge, une simple porte menant on ne sait où..., une malle au trésor, une boîte de magicien, un reliquaire, bref une mystérieuse boîte de Pandore d'où toutes les merveilles mais aussi toutes les atrocités peuvent sortir... L'écrin qui tient au secret une promesse de quelque chose à venir, quelque chose à dévoiler... Pourtant, l'objet provenant de sa matrone et sans doute aussi trop quelconque pour L., le désintéresse et l'encombre.
Le frigo n'est pas là pour L. mais pour nous. Il est le réceptacle de nos projections de spectateur-voyeur, il est notre espoir, notre mauvais oeil. Enfin il est pour l'auteur-illusionniste, le vecteur du suspens.
Distribution
- Metteur en scène : Sébastien Rajon
- La mère : Nadine Capri
- L. : Yannis Ezziadi
- Les autres personnages : Laure Portier
- Maquillage : Valentine Portier
Production Le Carnival théâtre et ID Production
Résidence de création au Théâtre de l’Usine de Saint-Céré en juin 2016
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