C’est au moment où sa vie va basculer dans la tragédie, en 1895 (trois procès en sodomie et outrage aux mœurs aboutiront à une condamnation à deux ans de travaux forcés, et à une mort précoce en 1900) que Wilde donne la comédie la plus brillante du théâtre anglais : The Importance of Being Earnest. Après son incarcération, elle a d’ailleurs continué de triompher dans le West End, mais le nom infamant de son auteur fut retiré de l’affiche.
La pièce, qui se présente comme une très mondaine comédie de salon (« drawing-room comedy ») tire sa profondeur d’une variation sur le double, et l’idée platonicienne que l’être est en perpétuelle recherche de sa moitié perdue. Elle célèbre aussi la fougue et l’insolence d’une jeunesse capable de subvertir les conventions de la société victorienne.
Deux jeunes hommes, deux amis, s’inventent chacun un alter ego débauché, le citadin en quête d’aventures sexuelles à la campagne, et vice-versa pour le campagnard qui veut jouir librement des occasions de la grande ville. Ces deux complices en libertinage, vont in fine se révéler être deux frères.
Deux jeunes femmes devenues amies « comme deux sœurs » partagent l’obsession d’épouser un jeune homme à la seule condition qu’il se prénomme Ernest *(prénom synonyme de sérieux, sincère, loyal) c'est-à-dire un jeune homme qui ne soit pas un débauché, précisément. Or, c’est des deux frères roués (et pas du tout sérieux) que vont s’éprendre les demoiselles (celle des villes et celle des champs) avant d’en devenir les épouses.
Les relations très symétriques de ce quatuor sont arbitrées par une femme monstrueuse (décrite comme « une gorgone »), Lady Bracknell, la mère de l’une des jeunes filles. Une tradition récente, à New York, à Londres, a conduit de grands comédiens à relever le défi de ce rôle de femme tout théorique. Même si la malédiction est patente (« toutes les filles finissent par ressembler à leur mère »), il y a dans cette comédie un hymne à la jeunesse, au simple fait d’être jeune, et amoureux, une célébration des jeunes gens et des jeunes filles en fleur, avant que la vieillesse ne les condamne à devenir grotesques, pesants, et incapables d’aimer, au sein de cet enfer que serait la vie conjugale.
Jean-Marie Besset
Production : Théâtre des 13 vents
Distribution
- Traduction : Jean-Marie Besset
- Metteur en scène : Gilbert Desveaux
- Lady Bracknell / Révérend Chasuble : Claude Aufaure
- Jack : Mathieu Bisson
- Cecily : Mathilde Bisson
- Lane / Scudder : Matthieu Brion
- Algernon : Arnaud Denis
- Gwendolen : Maryline Fontaine
- Mlle Prisme : Margaret Zenou
- Collaboration artistique : Régis de Martrin-Donos
- Gérard Espinosa : Scénographie
- Costumes : Alain Blanchot
- Lumières : Martine André
- Son : Serge Monségu
Production Théâtre des 13 Vents
Presse
« Un siècle plus tard, cette comédie dite de salon, critique acerbe d’une société londonienne attachée à ses privilèges, dans son décor victorien ou à la campagne, n’a pas pris une ride. Elle semble même très actuelle en plein débat sur le mariage pour tous avec la subversion des conventions et la liberté des mœurs comme toile de fond, voire même quelques allusions à l’homosexualité »
Le Point, 18.01.2013
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