Synopsis
Sigismond, prince héritier de Pologne, vit au secret dans une tour depuis que le roi Basile a lu dans les astres que son fils le destituerait et livrerait le royaume à la violence. Au terme de son règne, Basile est devant une alternative : remettre la couronne à Astolphe et Étoile, ses neveu et nièce, ou donner une chance à son fils en le soumettant à une épreuve : on administre un narcotique au prisonnier, et le voilà transporté dans le palais royal où on le traite en prince. Mais Sigismond s’y comporte en véritable brute. A nouveau endormi, et renvoyé au cachot, on le persuade qu’il a vécu en songe. Mais une révolte éclate et le peuple, libérant Sigismond, le proclame son souverain. Maintenant chef de guerre, se laissera-t-il aller à sa fureur vengeresse ? De grands changements toutefois se sont produits en lui. Héritier légitime, victorieux sur lui-même, Sigismond rétablit l’ordre, pardonne à son père, et fait par la sagesse de ses décisions l’admiration de tous. Mais c’est l’amour, sous les traits de Rosaura, sa jumelle en infortune – abandonnée par son père Clothalde puis trompée par Astolphe – qui aura été le grand agent de sa métamorphose. « Quel est ce confus labyrinthe dont la raison ne peut trouver le fil ? » : comme dans un conte, c’est par les plus invraisemblables péripéties et dans le feu des passions que la vérité vient au jour. Lucidité et pondération, justice et honneur, amour et liberté en sont les maîtres mots : Sigismond ou le Destin de l’homme.
Note d'intention
La Vie est un songe est un conte métaphysique. Trois journées, trois métamorphoses de l’esprit qui conduisent de la soumission à la révolte ; du triomphe des pulsions au renoncement à la jouissance. Trois journées pour découvrir une éthique de responsabilité, pour que l’enfant sacrifié devienne un enfant sacrifiant à la civilisation ses propres désirs, et ainsi rétablisse le lien de filiation rompu par un père défaillant. Basile, roi de Pologne et fervent astrologue, vit dans la certitude que son fils deviendra un tyran violent et nocif. La mort en couches de sa femme finit de le convaincre. Il met Sigismond au secret et cache son existence au monde. Les années passent. Pris de remords – ou plus sûrement de vanité – Basile décide de lui redonner son rang pour une journée. Si d’aventure Sigismond se comporte mal, si la prédiction se réalise, le prince sera endormi et renvoyé dans son cachot. On lui dira alors que tout ceci n’était qu’un rêve… Tout se passe comme si Sigismond n’avait été libéré que pour mieux confirmer la science de son père. En effet, comment échapper à la colère et au désir de vengeance après tant d’années d’enfermement et de souffrance, de rejet et de défiance ? Comment ne pas donner libre cours à toutes ses pulsions après tant d’années de privation ? Le premier geste de l’enfant qui découvre ses facultés n’est-il pas de les éprouver et d’en jouir sans entraves ? La Vie est un songe est une fable politique. Ce qui est énoncé comme vérité : « cet enfant sera un sauvageon », se révèle vrai dans ses conséquences. A vouloir se prémunir de la violence du monde, on crée l’enfermement et la suspicion. Un enfant qui cristallise craintes et reproches en conçoit un tel ressentiment qu’il développe les comportements auxquels, d’une certaine manière, on l’a condamné. Traité comme un animal, il devient un animal. La Vie est un songe retrace une grande aventure psychique. Sigismond - tout comme Calderón lui-même qui dans un élan de colère a, dit-on, tué un homme – est submergé par la rage, par ses désirs, par ses pulsions. Il vit dans la soumission à l’instinct, jusqu’au meurtre, frôlant le viol et le parricide. Calderón entoure Sigismond de personnages menés par leur aveuglement : Rosaura aveuglée par l’honneur, Basile par la connaissance, Clothalde par la loyauté, Astolphe par la gloire… Autant de maladies de l’âme. Lui aura les yeux dessillés par le doute. Ce qui fascine ici, c’est de découvrir une pièce entièrement écrite de manière subjective, impressionniste ; on perçoit le monde par les yeux effarés de Sigismond et de Rosaura. D’une certaine manière, il s’agit de mettre en scène trois hallucinations, aux confins du fantastique. Chaque tableau s’ouvre sur un réveil. N’est-ce pas à chaque fois comme un nouveau songe ? C’est une pièce monstre qui échappe en grande partie aux règles de l’écriture dramatique. Comment trouver sa vérité concrète ? Notre réponse ne passera certainement pas par une tentative de réorganisation rationnelle. Nous devons au contraire nous risquer à l’immersion dans ce monde de visions. J’aimerais conduire les spectateurs à l’intérieur de ces impressions. Nous devons trouver une théâtralité comme en apesanteur, faite d’apparitions, de variations des focales, de métamorphoses, d’élans lyriques démesurés, de bruit et de fureur.
Clément Poirée
Pénétrant dans la prison du prince comme la lumière de l’aube, Rosaura fait pressentir à Sigismond la possibilité pour lui d’accéder à une condition meilleure. C’est elle, en fin de compte, qui fera du monstruo humano, un homme au sens le plus noble du terme. Elle est la personnification même du libre arbitre salvateur qui guidera Sigismond, d’erreur en erreur, vers un choix final qui sera le bon. En tant que personnage purement « humain », le sort de Rosaura est parallèle à celui de Sigismond : son honneur perdu et retrouvé représente pour elle aussi l’histoire d’une seconde naissance, accession à une identité authentique que couronnera et confirmera, tout comme dans le cas de Sigismond, une
réconciliation avec son père. Rosaura apporte dans l’univers de la pièce une dimension, à la fois nécessaire et complémentaire, qui est celle de la transcendance. Si Sigismond est l’homme-bête, Rosaura est la femme-ange : tout en elle le suggère car elle est « sol, lucero, diamante, estrella y rosa / soleil, lampe, diamant, étoile et rose… »
***
L’homme est celui qui vit dans la réalité avec la conscience que c’est un songe d’où un jour il faut se réveiller ; sa vie n’est ni celle du prisonnier ni celle de Sigismond au château, mais elle participe des deux, puisque c’est au théâtre du monde, dans une réalité qui est aussi un songe, qu’il sait devoir vivre, ni esclave ni tyran, parce qu’en même temps libre et conscient des limites qui définissent sa liberté. La conscience du caractère double de la vie exige de l’éprouver telle qu’elle est : réalité et songe en même temps.
Ross Chambers, La Comédie au château
Bande annonce du spectacle LA VIE EST UN SONGE from THEATRE DE LA TEMPETE on Vimeo.
Distribution
- De : Pedro Calderon de la Barca
- Texte français : Céline Zins
- Metteur en scène : Clément Poirée
- Basile : John Arnold
- Etoile : Louise Coldefy
- Clairon : Thibaut Corrion
- Astolphe : Pierre Duprat
- Clothalde : Laurent Ménoret
- Rosaura : Morgane Nairaud
- Sigismond : Makita Samba
- Le Musicien : Henri de Vasselot
- Scénographe : Erwan Creff
- Lumières : Kevin Briard
- Assistant Lumières : Laurent Cupif
- Costumes : Hanna Sjodin
- Assistante Costumes : Camille Lamy
- Musiques et son : Stéphanie Gibert
- Assistant Musiques et son :
- Maquillages et coiffures : Pauline Bry
- Collaboration artistique : Margaux Eskenazi
- Régie générale : Farid Laroussi
- Habillage : Emilie Lechevalier
Production Théâtre de la Tempête
Coproduction Scénograph - Scène Conventionnée Théâtre et Théâtre Musical - Festival de Théâtre de Figeac et cie Hypermobile
Production Théâtre de la Tempête. Coproduction Scénograph - Scène Conventionnée Théâtre et Théâtre Musical - Festival de Théâtre de Figeac et cie Hypermobile. Avec la participation artistique du Jeune Théâtre national et de l’Adami (captation vidéo).
Presse
"La mise en scène de La Vie est un songe de l’Espagnol Calderón par Clément Poirée offre du très grand théâtre. On pense à Shakespeare pour la richesse de la langue, le caractère à la fois épique et intime de la pièce qui fouille les âmes et les cœurs. (…) Fabuleuse réflexion sur le pouvoir, bien avant le siècle des Lumières, La Vie est un songe, avec ses longs monologues sur la vie et la mort, pourrait être mortellement ennuyeuse. Il n’en est rien, grâce à une mise en scène trépidante et une scénographie qui épouse le baroque mystérieux du conte. La pièce s’ouvre sur un paysage de neige. De sombres personnages – les gardiens de la tour – patrouillent dans les ténèbres. Une cage sinistre, où a grandi le jeune prince entravé, roule sur scène dans un cliquetis de chaines. Le plateau se fera successivement cour brillante, champ de bataille, palais et prison. Le texte porté par d’excellents comédiens – dont le jeune acteur Makita Samba en prince bouillant – se déroule sans temps mort et on sort de ce « songe » ensorcelé et ravi." Marie-Pierre Ferey - AFP - Septembre 2017
" C’est une mise en scène vive, subtile, riche en contrastes et beaux effets qu’il – Clément Poirée – nous offre, servant autant le propos philosophique de la pièce que sa dimension baroque " Philippe Chevilley - Les Echos - Septembre 2017
"Il s’agit d’une des plus belles pièces du répertoire européen. Un chef d’oeuvre qui parle directement à la part d’angoisse que ressent tout homme dans le monde. Une pièce qui parle aussi de théâtre, de pouvoir, une pièce qui s’interroge sur le sens de la vie et sur le ciel, muet." Figaroscope - Armelle Héliot - Septembre 2017
"Pour son premier spectacle en tant que nouveau directeur du Théâtre de la Tempête, Clément Poirée a choisi de s’attaquer au chef d’œuvre métaphysique et baroque de Calderón, La Vie est un songe. Une entrée en matière plus que prometteuse. (…) En s’emparant de cette pièce, Clément Poirée avait tous les risques de livrer un spectacle daté. Dans les faits il n’en est rien. Grâce à la scénographie concoctée par Erwan Creff et aux habiles lumières de Kévin Briard, le metteur en scène ouvre les portes d’un monde aussi mystérieux qu’inquiétant." Vincent Bouquet - ScèneWeb - Septembre 2017
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