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Ubu RoiAlfred Jarry

Si l’on juge la pièce d’un point de vue strictement littéraire - ce que l’on aurait tort de faire - Ubu roi est une œuvre bien pauvre. Peu d’esprit, peu de poésie, peu de philosophie... Mais on ne peut pas séparer la pièce de l’histoire de la pièce - pas de l’intrigue de la pièce, mais de son histoire - celle d’un téméraire jeune homme de 23 ans qui a décidé d’opérer une rénovation du théâtre par le théâtre. Jarry orchestre la destruction de toutes les scléroses, de tous les académismes, de la mauvaise tradition qui empêche le théâtre - et le reste ! - de s’affranchir des conventions dont la jeunesse est saturée. « Le théâtre doit-il être au public ou le public au théâtre ? », s’interrogeait Alfred Jarry. 

Note d'intention de mise en scène : Jérémie Le Louët

Jarry n’a pas écrit une ligne d’Ubu roi. Les Polonais, titre initial, a été écrit par Charles et Henri Morin, deux de ses camarades de lycée. Les quelques modifications apportées par Jarry sont insignifiantes. Et pourtant, en demandant aux frères Morin l’autorisation d’utiliser leur pièce pour faire une mystification à Paris, il écrit l’une des plus incroyables pages de l’histoire du théâtre. En orchestrant les soirées des 9 et 10 décembre 1896 au Théâtre de l’Œuvre, il redéfinit les fondamentaux du théâtre : dramaturgie, convention, interprétation, lumière, décor...

Ubu roi est aujourd’hui considéré comme un classique, non comme une œuvre de subversion. Et aussi impensable que cela puisse paraître, il y a un « académisme Ubu », avec son imagerie indécrottable : le personnage du Père Ubu grossissant sa voix et roulant les R avec sa gidouille. Le carton pâte est devenu, par habitude, l’esthétique officielle et le public y est complaisamment infantilisé.

Si l’on juge la pièce d’un point de vue strictement littéraire – ce que l’on aurait tort de faire -, Ubu roi est une œuvre bien pauvre. Peu d’esprit, peu de poésie, peu de philosophie... Mais on ne peut pas séparer la pièce de l’histoire de la pièce - pas de l’intrigue de la pièce, mais de son histoire -, celle d’un téméraire jeune homme de 23 ans qui a décidé d’opérer une rénovation du théâtre par le théâtre. Jarry orchestre la destruction de toutes les scléroses, de tous les académismes, de la mauvaise tradition qui empêche le théâtre - et le reste ! - de s’affranchir des conventions dont la jeunesse est saturée.

« Le théâtre doit-il être au public ou le public au théâtre ? », s’interrogeait Alfred Jarry.

La question de la place du spectateur dans la représentation a toujours animé nos spectacles. Ce leitmotiv a, je crois, été particulièrement sensible dans notre dernière création, Affreux, bêtes et pédants. Avec Ubu roi, Jarry trancha la question du public d’une manière plutôt brutale : une claque à tous les conservateurs et à tous les mondains.

Ubu Roi accompagne mon parcours de metteur en scène depuis la création de la Compagnie des Dramaticules. Artaud et Jarry sont les figures auxquelles je me réfère le plus régulièrement. Pas un de mes projets sans que leur sens de l’artisanat, leur violence dans l’humour, leur lucidité dans le chaos ne soient convoqués.

Les destructeurs, les transgresseurs, les affreux imposteurs ont toujours animé mes spectacles. Ce sont les meilleurs personnages. Ceux qui, éternellement, nous permettent de mesurer nos pulsions, nos fantasmes et nos frustrations, ceux qui interrogent la théâtralité par leur seule présence sur la scène. Et puis, la question de la théâtralité est pour moi hautement politique puisqu’elle détermine l’ambition et le degré d’engagement des artistes sur la scène.

Notre Ubu est un projet de jeu. Il y a un côté très enfantin dans le rapport des acteurs au plateau, une jubilation à se disputer, à détruire et à faire les idiots. Rappelons-nous que la pièce est une pochade de lycéens. Elle porte en elle toute la naïveté, la fougue et l’insolence de la jeunesse. Nous essaierons d’incarner cet esprit. En revanche, je crois qu’on ne peut pas être fidèle à l’esprit de Jarry sans être infidèle à sa lettre. Il n’y a pas de sacralisation du texte dans notre Ubu roi : coupes, interpolations, citations et critiques. La scénographie est au service des acteurs. Pas de grosse structure ; des tables, un écran vidéo, un cheval... Il s’agit pour les protagonistes de jouer, vociférer et lutter jusqu'à épuisement. Les entrées et sorties des acteurs se font à vue, les coulisses faisant partie intégrante du terrain de jeu. Le plateau est une sorte de remise où sont entreposés costumes et bouts de vieux décors. Les artifices théâtraux sont revendiqués comme accessoires et comme signes : projecteurs et caméras utilisés comme éléments scénographiques, chaises et bancs pour les acteurs qui ne sont pas en jeu, portants pour les costumes, micros sur pied, couronnes, armures, revolvers...

Ubu roi est une œuvre de chaos où l’on passe son temps à se brutaliser et à se faire la guerre. Et dans l’Histoire du Théâtre, cette pièce est une formidable débâcle. Ainsi, il nous a semblé fondamental que la trame du spectacle suive celle de la pièce, que le destin des acteurs suive celui des personnages, que le spectacle se détruise dans le temps de la représentation. Le chaos sera grotesque et absurde. En cela, il pourra, je pense, être perçu comme inquiétant et comique. Dans notre Ubu, les tableaux ne se suivent pas, ils se percutent et se contestent sur le mode emphatique, ironique et critique. La pièce parle d’abus de pouvoir, d’abus d’arbitraire, d’abus de violence... Sur scène, les abus prendront leur source dans le rapport délétère entre des acteurs travaillant la pièce ; l’histoire d’une troupe jouant Ubu roi et se déchirant en jouant Ubu roi. C’est une mise en crise obstinée de la représentation à laquelle nous avons à faire. Et dans cette entreprise de démolition, je crois que Jarry ne demande qu’à être brutalisé.

Jérémie Le Louët

Teaser du spectacle

Ubu Roi, Entretien avec Jérémie Le Louët

Distribution
  • Mise en scène, Le Père Ubu, Jérémie : Jérémie Le Louët
  • la reine Rosemonde, les nobles, le palotin Giron, Pile, Julien : Julien Buchy
  • Ludovic-Ludo, Venceslas, le Czar Alexis : Anthony Courret
  • le capitaine Bordure, l'ours, Jonathan : Jonathan Franjenberg
  • Bougrelas, un messager, Cotice, David : David Maison
  • la Mère Ubu, Dominique : Dominique Massat
  • Assistanat à la mise en scène : Noémie Guedj
  • Scénographie : Blandine Vieillot
  • Vidéo : Thoms Chrétien, Simon Denis, Jérémie Le Louët
  • Son : Simon Denis
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Production Compagnie des Dramaticules
Résidence de création et coréalisation Théâtre de Châtillon
Coproduction Théâtre de Châtillon, Théâtre de la Madeleine/Scène conventionnée de Troyes et Théâtre de Corbeil-Essonnes Avec l’aide à la création du Conseil régional d’Île-de-France, du Conseil général de l’Essonne et de l’ADAMI

Presse

Ne retenant des cinq actes d’Ubu Roi que les principaux épisodes, jouant de nombreuses mises en abyme, de ruptures dans la (sur)théâtralité et l’avancée de la représentation, d’échanges avec le public, multipliant les renvois, les ajouts, les facéties, les changements de perspectives, cette création éclatée nous gagne, très vite, à la cause du théâtre libre et totalement décloisonné qu’elle fait surgir. Il n’y a pourtant à peu près rien, ici, que l’on n’ait pas déjà eu l’occasion de voir dans d’autres propositions visant à la même remise en cause des assujettissements théâtraux. Mais ce qui, ailleurs, a pu parfois sembler creux, complaisant, voire superficiel, révèle ici un travail profond et plein d’intelligence. Dans cette version d’Ubu Roi, l’exigence ne cède jamais le pas à la facilité. A grands coups de fumigènes, d’images vidéo, d’excès de jeu, de clairs-obscurs, d’airs d’opéra, de références shakespeariennes..., Jérémie Le Louët parvient à l’exact équilibre entre satire et hommage. Car de l’intensité, et même une forme d’éclat, naissent par moments de ce joyeux capharnaüm. Finalement, en faisant ainsi imploser le théâtre, le metteur en scène lui adresse une souriante déclaration d’amour.

Manuel Piolat Soleymat - La Terrasse - 20 novembre 2014

La mise en scène donne la sensation de tout laisser voir : les acteurs dans les coulisses avant la représentation, les techniciens en grève sur le plateau et même pendant un temps, le public filmé en direct. Le jeu mêle l’interprétation stricte de la pièce de Jarry et des retours réflexifs et comiques sur la place du comédien.
Sous les dehors d’un grand n’importe quoi, cet Ubu nous fait emprunter les montagnes russes. Il ne cesse d’explorer ce fil ténu, ce moment où le sublime à la Eisenstein bascule dans le ridicule.

Les scènes de bataille, la grande musique, les effets lumineux et la fumée sont déployés pour mieux laisser apparaître par contraste un tout petit nombre de comédiens, un cheval en carton et des armes en plastique. La langue du pathos est poussée à l'extrême tandis que les morts se relèvent sous les yeux du public pour aller changer de costume.
Toutes les conventions du théâtre classique sont ainsi abolies et la troupe prend un plaisir non dissimulé à s'aventurer du côté de l'humour des Nuls ou d'Alexandre Astier. Il est impossible de rendre compte de tout ce qu'on y trouve et la blague de potache peut apparaître comme un fil directeur. Elle n'est cependant jamais totalement gratuite et sert toujours l'idée du démantèlement de la tradition. On évite ainsi de sombrer dans le spectacle de la bande de copains qui viendrait imposer sur le plateau sa complicité autosatisfaite.

Il est particulièrement appréciable que, outre les coulisses, tout soit donné au public. Tout ce qui va être déconstruit est d'abord présenté sur le mode humoristique. Ainsi, le didactisme n'est jamais pesant et il permet d'éviter les effets de connivence sociale ou générationnelle. Au-delà de l'audace et de l'intelligence des questionnements, les Dramaticules proposent véritablement un théâtre pour tous et c'est, une nouvelle fois, ce qui fait leur force.

Aurore Chery – Ruedutheatre – 25 novembre 2014

C’est donc un mariage heureux avec le théâtre de l’absurde et le surréalisme de Jarry, un mariage qui fait naître sous nos yeux une destruction fantastique de la scène, un déluge de pulsions libératrices. On ressent d’ailleurs une forme de radicalisation dans le travail de Jérémie Le Louët. S’il exploite à bon escient les matériaux scéniques contemporains tels que la vidéo-projection, saluons par ailleurs la géniale trouvaille de la scène du cheval, il tend également de plus en plus à pousser le spectateur dans ses retranchements. Dans un sublime chaos la pièce de Jarry constitue ici un appel à l’affranchissement des codes, une apologie de l’absurde et surtout un terrain de jeu infini pour les propositions déjantées de la Compagnie des Dramaticules.

Audrey Jean - Theatres.com - 19 novembre 2014

Représentations

Espace Mitterrand, Figeac
  • vendredi 31 juillet 2015 21h30
  • dimanche 02 août 2015 21h30
Informations / repli

Durée indicative : 1h25

Tarifs

Spectacle B
série 1série 2
Plein2216
Réduit/Bleu1913
Vert1511
Jeunes1010

Abonnement Bleu : de 4 à 7 spectacles différents par personne.
Abonnement Vert : à partir de 8 spectacles différents par personne.
Tarif réduit : demandeur d’emploi, groupe à partir de 10 personnes.
Tarif jeune : moins de 18 ans, étudiant de moins de 25 ans.

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