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Richard III - ShakespeareSimulation magistrale d'un mégalomane

Richard III est une tragédie du langage. A travers les prêches religieux, les élans amoureux, les discours politiques et les appels au combat, Shakespeare nous fait entendre, scène après scène, que la parole a le pouvoir de tout corrompre. Lorsque les puissants n’ont pas de parole et que les faibles n’ont pas les mots, la violence entre les hommes atteint son paroxysme. La pièce pose une question assez simple : comment, dans « un monde corrompu où tout va pour le pire », un homme « différent » s’élève, par l’éloquence et l’intensité de son verbe ? Richard dénonce, maudit, châtie, asservit, assassine ses proches. Il use de tous les artifices du théâtre : séduction, manipulation, composition, imprécation, et fait de son ascension un spectacle très divertissant ; une démonstration implacable de la médiocrité du monde. Jérémie Le Louët  

Lorsque Shakespeare écrit Richard III, il a vingt-huit ans (on date sa rédaction autour de 1592). Il n’a pas encore écrit Roméo et Juliette, Hamlet, Othello, Le Roi Lear, ni aucune autre des pièces qui feront sa gloire. On perçoit encore dans Richard III l’influence de ses maîtres, Sénèque et Marlowe, mais pour la première fois dans son œuvre, son style domine de bout en bout. C’est la naissance d’un auteur « monstre». Richard III est la dernière pièce historique d'un ensemble qui forme, avec les trois parties d'Henry VI, une tétralogie. Shakespeare y fait le portrait de Richard, Duc de Gloucester, laid, personnage physiquement et moralement difforme qui va ravir le pouvoir à ses frères et à leur descendance en les conduisant à la mort.

On écrit fréquemment que Richard III est une pièce sur le pouvoir, ou encore sur la mécanique du pouvoir. On dit que c’est une pièce politique, qu’elle met à nu nos plus bas instincts de domination. On dit qu’elle est une dénonciation très moderne des totalitarismes et, à travers le personnage de Richard, une charge contre les tyrans du monde entier. On dit aussi de Richard qu’il est l’un des archétypes les plus parfaits du mal absolu, à l’instar d’Hérode, de Néron et de Caligula qui ont toujours rempli les salles de spectacle et séduit les acteurs-histrions les plus célèbres. Tout cela est vrai… et bien d’autres choses encore… L’inventaire de ces pistes dramaturgiques, vidées de leur substance, donne le vertige.

La pièce pose une question assez simple : comment, dans un monde corrompu où tout va pour le pire, un homme « différent » s’élève-t-il, par l’éloquence et l’intensité de son verbe ? Richard dénonce, maudit, châtie, asservit, assassine ses proches. Il use de tous les artifices du théâtre : séduction, manipulation, composition, imprécation, et fait de son ascension un spectacle très divertissant ; une démonstration implacable, sarcastique et rageuse de la monstruosité du monde.

Vidéo: Interview de Jérémie Le Louët

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« Richard III convoite moins le pouvoir qu’il ne veut réintroduire ou réinventer une machine de guerre (ce que Shakespeare appelle le « but secret » de Richard). »

Gilles Deleuze

Lorsque j’ai lu Richard III pour la première fois, le lieu commun « Shakespeare, auteur universel » s’est effondré : il n’y a pas de place pour le lecteur/spectateur d’aujourd’hui dans le dispositif de ce drame historique, destiné à édifier les Anglais du 16ème  siècle en rappelant leur histoire récente, la guerre des Deux-Roses (1455-1485).

Dans son film Looking for Richard, Al Pacino décrypte le paradoxe d'un théâtre très vivant mais dont les références historiques échappent aux artistes et aux spectateurs d’aujourd’hui. Orson Welles, lui, affirme que  « Richard III est l’une des pièces de Shakespeare qui passe le mieux la rampe ». Et cela est vrai… Une fois que l’on a fait abstraction (soustraction, dirait Carmelo Bene) des motifs historiques de la pièce, l’œuvre atteint une intensité époustouflante.

« Il y a une langue capable d’embobeliner le Diable »

Charles Lamb

Le style de Richard III est uniforme d’un bout à l’autre. Il est emphatique, hautement recherché, d’expression excessive, rempli de cris, d’imprécations, de violence, de discours injurieux et de ruptures sidérantes – une langue de combat.

« L’Acteur » est mon obsession ; l’Acteur et sa parole, trop souvent empêtrés dans une syntaxe molle, scolaire et attendue ; l’Acteur qui méconnaît les graphiques respiratoires des sentiments, qui ignore le récitatif, le chant, les déplacements de voix, les nuances de timbres et les ruptures imprévisibles dans le torrent des mots. L’Acteur doit, comme le chanteur, comme le prédicateur, « nous réveiller nerfs et cœur », d’autant plus s’il ambitionne de jouer Shakespeare, la langue théâtrale la plus baroque et barbare jamais écrite.

« Seul ce qui est insoutenable est profondément tragique, profondément comique, essentiellement théâtre. (...) La représentation des pièces de Shakespeare me donnait l’impression de rendre soutenable l’insoutenable. C’était un apprivoisement de l’angoisse. » Eugène Ionesco

En France, on a parfois tendance à jouer Shakespeare comme on jouerait Marivaux. On bavarde… On bavarde… On dit de belles choses. On admire la finesse d’esprit, la profondeur psychologique des personnages et l’originalité des intrigues, mais on oublie que Shakespeare fut d’abord un poète au lyrisme incandescent. Le génie du plus grand auteur de théâtre de tous les temps est d’abord dans sa puissance poétique. Son génie théâtral est dans son génie poétique.

« Au théâtre, il y a la parole : la parole est l’ennemie ; la parole  utilisée  comme  elle  l’a  été,  c’est-à-dire  jamais décantée, jamais chantée, jamais niée, jamais persécutée, jamais assez persécutée. Je veux dire qu’on a nié le chant. » Carmelo Bene

Tous mes spectacles témoignent d’une mise en crise de la parole, dans une société où la parole est corrompue. De Macbett à Salomé, en passant par Hot House et Le Horla, mon héros favori est un chef d’orchestre : chef d’orchestre d’une mécanique implacable qui finit par le broyer. Richard III s’inscrit dans un parcours de troupe qui a démarré fin 2002 avec la création de la Compagnie des Dramaticules. La fidélité des acteurs qui m’accompagnent m’a permis de créer avec eux une « grammaire de jeu », musicale et chorégraphique, qui est le socle de mon travail de metteur en scène. Richard III, tragédie de la mystification, est un terrain de jeu exaltant pour mes expérimentations langagières, mon goût du séquençage et ma « fascination/exécration » pour les monstres de pouvoir.

Jérémie Le Louët

Distribution
  • Metteur en scène, adaptation, comédien : Jérémie Le Louët
  • Comédien : Julien Buchy
  • Comédien : Anthony Courret
  • Comédien : Jonathan Franjenberg
  • Comédien : Noémie Guedj
  • Comédien : David Maison
  • Comédien : Dominique Massat
  • Comédien : Stéphane Mercoyrol
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  • Scénographie : Blandine Vieillot
  • Costumes : Mina Ly
  • Lumières : Thomas Chrétien
  • Son : Simon Denis
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Production La Compagnie des Dramaticules. Coproduction Le Théâtre de Rungis, le Théâtre André Malraux de Chevilly-Larue, le Théâtre de Corbeil-Essonnes, la Scène Watteau à Nogent-sur-Marne. Résidence de création au Théâtre à Châtillon. Avec l’aide à la cr

Presse

Le plateau est nu, noir ; il accueille de discrets éléments de décor. Seul un linceuil rouge se détache, en fond de scène. La scénographie met délibérément en exergue la composition et ses artifices. Elle inclut les coulisses, chaque acteur intervenant à partir de sa position initiale d’observateur. Elle accorde la plus grande importante aux lumières qui constituent par moments l’intégralité du décor. L’intention est de présenter des signes, des imprécations virulentes sur un temple sans majesté. Chacun des protagonistes est comme le héraut de la parole qu’il port avec vigueur, mais comme sans conviction. Le texte est joué avec une distance ironique, qui donne au propos une véritable puissance suggestive.

Une mise en scène brusque, enlevée, épurée, forte. la représentation est propre à exhiber des aspects entropiques de ce contraste entre la dynamique des moyens et la vacuité des fins. Une joute verbale incantatoire, qui ne cesse d’amplifier les méfaits, de leur chercher vainement un sens. Jérémie Le Louët règne en funambule sur ce chaos destructeur. Une mise en scène baroque, originale, procédant de contrastes et de fulgurances. Nous sommes dans un théâtre d’ombres menaçantes. Un rythme soutenu, des lumières bien utilisées, une représentation dynamique, témoignant d’une course effrénée à l’abîme. Le spectacle est savant, intuitif, bien senti.

lelitteraire.com - Christophe  Giolito - novembre 2012

 

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Depuis qu’il a monté Macbett de Ionesco (déjà au théâtre 13), Jérémie Le Louët est l’un de ces acteurs-metteurs en scène repérés dont l’on attend les spectacles et pour lesquels on souhaite une attention accrue des médias et des pouvoirs publics. A présent, il affronte

Richard III, en le sous-titrant « simulation magistrale d’un mégalomane » et en s’attribuant à la fois l’écriture du texte français, la mise en scène et l’interprétation du rôle-titre ! Son spectacle est d’abord une affaire de climat : la scène est nocturne, traversée par un éclairage toujours horizontal, habitée par des personnages qui semblent trouer la nuit ou habiter les ténèbres. Les quelques décors qui glissent dans le noir sont faits de géométrie et de rais de lumière. Tout tient dans le jeu et l’atmo- sphère. Le Louët n’a pas de pied-bot ni de bosse : ses handicaps sont dans le texte, se devinent. Point besoin de les figurer, puisque le monstre est un enfant des ténèbres ! La théâtralité va jusqu’à faire l’un des rôles de femme par un homme (mais pas tous) : rappel, sans doute, des temps élisabéthains où il n’y avait d’interprètes que masculins.

Cette mise en scène, autant fondée sur l’esthétique que sur le jeu, peut faire penser au style d’Eric Vigner qui avait monté un Othello dont l’action était évoquée principalement à travers l’évolution du décor. Seulement, Vigner, c’est un style creux. Au contraire, Le Louët, c’est un style plein. La mutation de ses images crée une tension continue et exerce une fascination qu’amplifie le jeu serré et intense des comédiens. Noir comme un corbeau, Jérémie Le Louët n’est pas le plus monstrueux des Richard III qu’on ait vu au théâtre ! Mais il maîtrise fort bien sa partie, tel un peintre qui serait à la fois l’auteur et le pas- sager de son tableau. Voilà une belle soirée hantée.

Webthea - Gilles Costaz - novembre 2012

Représentations

Théâtre Démontable
  • mercredi 24 juillet 2013 21h45
  • samedi 27 juillet 2013 21h45
Tarifs

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Plein2618
Réduit/Bleu2314
Vert1611
Moins de 25 ans108

Abonnement Bleu : de 4 à 7 spectacles différents par personne, dont au moins deux spectacles de la catégorie A
Abonnement Vert : à partir de 8 spectacles différents par personne.

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